L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Les dernières volontés de Heather McFerguson , Sylvie Wojcik (Arléa) – Fanny et Aurélie
Les dernières volontés de Heather McFerguson , Sylvie Wojcik (Arléa) – Fanny et Aurélie

Les dernières volontés de Heather McFerguson , Sylvie Wojcik (Arléa) – Fanny et Aurélie

Photo: Fanny.

Besoin d’un bon bol d’air? Envie de partir pour le nord-ouest de l’Écosse, non loin des Hébrides intérieures? Je vois déjà ton petit sourire en coin, ton œil rêveur qui s’éparpille déjà au sein d’une verte vallée, à suivre une petite route côtière entre Inner Sound et Loch Torridon puis zou, dans tes mains une pinte pendant que tu écoutes les voix rocailleuses d’un chant gaélique.

Très bien.

Alors prends avec toi Les dernières volontés de Heather McFerguson de Sylvie Wojcik.

C’est une petite histoire – 144 pages – t’emportant fort et loin, une humeur gardant son charme jusqu’à la dernière ligne, une promenade intime, farouchement écossaise, faite de pleins, de creux et d’attachements.

Aloïs est libraire à Paris, une librairie comme un refuge. Un jour il doit se rendre à Inverness auprès d’un notaire. Il hérite de la maison d’une certaine Heather McFerguson, qu’il ne connait ni du druide Cathbad ni de la reine Ness – je remets au goût du pays le « ni d’Adam ni d’Eve », c’est tout de même plus funky isn’t it? –

Ce qui donne le goût à cette histoire c’est le temps que Sylvie Wojcik prend avec le paysage, ne s’éparpillant pas non plus en mièvrerie.

Aloïs est un homme timide, effacé, prenant l’ampleur du legs au fur et à mesure qu’il prend la mesure de la beauté du territoire. L’auteure strasbourgeoise nous rend visible cet air de « déjà-vu » dans nos mémoires, lorsque tu te sens habité par un lieu, sans vraiment l’expliquer. Elle met des mots sur une sensation et la rend ici palpable par le prisme de l’errance de son personnage.

« Cette terre l’embrasse comme si elle avait attendu longtemps sa venue. À Paris ou en Normandie, Aloïs n’aimait pas marcher. Il ne marchait que pour se déplacer d’un endroit à un autre. Une fois arrivé à destination, il se complaisait dans l’immobilité (…) Les lieux étaient un décor, une toile de fond dont il avait à peine conscience. Dans les collines désertes, percées de lochs jusqu’à l’infini, il n’y a pas de but, de départ ou d’arrivée. Seulement ce paysage qui prend corps. une terre que l’on habite pour entendre son souffle, vivre à son rythme et peut-être lui confier un peu de soi. Pour mieux connaître sa terre d’adoption, Aloïs se mit à marcher, sans but, juste parce que ses pas le portent là, parce que le vent le pousse de ce côté.(…) Ce matin, dans la vallée de Torridon, Aloïs longe le ruisseau. Il suit le sentier du loch Coire, le seul qui se présente à lui et monte vers les cimes. Aucun doute. Aucune intersection. Une seule voie possible. Quand Aloïs se retourne, il voit la rivière et, à l’horizon, un triangle de mer qui s’élargit au fur et à mesure de son ascension.(…) »

Cette histoire est une évasion.

Par le biais d’un exemplaire transmis du «Seigneur des anneaux de Tolkien, Aloïs retrace son enfance et ses secrets nichés dans les silences, ceux d’un père évanescent et d’une mère protectrice.

Aloïs se faufile dans une intimité, pose une pensée comme il se pose sur une pierre face à la lande, il déniche des feuillets, explore sa propre carte où sont inscrits une chapelle abandonnée, des rencontres au bord du réel, des entourloupes passées, un échouage et un sauvetage.

Aloïs trace sa route un peu comme le petit Poucet lancé dans le vaste monde.

Sylvie Wojcik tisse son histoire, dresse une galerie de personnages attachants, lâches, solitaires, et pour toujours reliés.

Les dernières volontés de Heather Ferguson est un livre pour goûter au plaisir délicieux de l’Ailleurs, c’est une histoire de secret de famille, comme il y en a tant, le charme en plus.

« La table en bois est couverte d’incrustations, des traces d’un esprit qui s’ennuie ou qui vagabonde. Des formes géométriques, des suites de nombres, des croissants de lune et, au milieu de la table, deux hippocampes côte à côte, un grand et un petit. Aloïs a l’estomac qui se déchire. Ses joues s’embrasent. Ce sont les deux hippocampes de la gravure accrochée entre les deux fenêtres du petit bureau, au-dessus du poêle à pétrole. Deux hippocampes qui dansent, ballotés par la houle, dans un mouvement perpétuel. Aloïs passe doucement ses doigts sur l’incrustation. Il ferme les yeux. Il a neuf ans. Il est dans le petit bureau. il n’a pas le droit être là. Son cœur bat. Son père vient de rentrer, le trousseau de clés a tinté dans le vestibule. Il va monter.(…) »

Il y a beaucoup d’humilité au sein de cette balade écossaise, une plume discrète qui engendre un monde où l’idée de quête, de destin et de choix donnent à la vie, la valeur d’une épopée.

Fanny.

Photo : D.R.

Impression très forte d’être tombée sur un véritable trésor. Je découvre cette autrice et sa plume délicate.

Ce roman est une caresse, une douce et mélancolique parenthèse dans des paysages écossais magiques.

Aloïs vient d’hériter d’une maison dans un tout petit village près d’Inverness. Ce libraire parisien transporte sa solitude à plus de 1000km de chez lui et tente de déchiffrer le mystère de cet héritage auquel rien ne semble le raccrocher.

Il se sent étrangement bien dans cette région dépouillée de tout artifice, lui le Parisien de toujours. Sur les traces du passé d’Heather, en côtoyant celles et ceux qui l’ont connue, c’est sa propre vie qui se teintera d’une lumière nouvelle.

J’ai maintenant, forcément, furieusement envie de retourner en Écosse…

Aurélie.

Les dernières volontés de Heather McFerguson, Sylvie Wojcik, Arléa, 144 p. , 17€.

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