L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Les sept robes, de Tristan Saule, ça ne tourne plus rond sur la Place Carrée (Le Quartanier) — Yann
Les sept robes, de Tristan Saule, ça ne tourne plus rond sur la Place Carrée (Le Quartanier) — Yann

Les sept robes, de Tristan Saule, ça ne tourne plus rond sur la Place Carrée (Le Quartanier) — Yann

Depuis Mathilde ne dit rien (Le Quartanier 2021 / Folio Policier 2022), chacun des titres de ces Chroniques de la Place carrée a suscité suffisamment d’enthousiasme au sein de l’équipe pour qu’on vous en parle : ainsi, Héroïne (Le Quartanier 2022 / Folio Policier 2023), Jour encore nuit à nouveau (Le Quartanier 2023), Et puis on aura vu la mer (Le Quartanier 2024) ont été chroniqués en leur temps même si l’unanimité n’était pas forcément au rendez-vous concernant les qualités de tel ou tel épisode. Cinquième volume d’une série qui devrait en compter six, Les sept robes retrouve sans aucun doute le niveau de Mathilde ne dit rien et d’Héroïne, les deux meilleurs épisodes à mes yeux.

Lounès et Léa se marient alors que des émeutes secouent le pays au lendemain de la mort de Nahel Merzouk, abattu par un policier à Nanterre (…) Journaliste pour le quotidien local, Léa a déterré une affaire brûlante tandis que Lounès doit défendre son territoire de dealer. Les mariés vont s’unir pendant ce week-end explosif, caniculaire et de plus en plus étouffant.(Quatrième de couv).

Le lecteur, comme l’auteur, a fini par se familiariser avec les lieux comme avec les personnages qui les habitent et les font vivre. On se retrouve donc dès les premières pages en terrain connu, emplis du plaisir diffus de cette proximité avec Idriss, Léa, Lounès, Zoé ou Mokhtar déjà croisés dans les volumes précédents. Le terrain est connu, certes, les personnages aussi, même si ce ne sont pas toujours les mêmes au premier plan, mais Tristan Saule parvient brillamment à éviter la redite. Instaurant donc immédiatement une ambiance explosive qu’il parviendra à maintenir tout au long des 360 pages du roman, il s’empare de l’intérêt de ses lecteurs et les garde captifs jusqu’à un dénouement saisissant sur lequel on s’en voudrait de s’attarder.

On retrouvera ici, et ça n’est pas une surprise non plus, car Tristan Saule n’a plus vraiment besoin de faire ses preuves, les qualités précédemment remarquées, notamment cet intérêt quasi sociologique pour les habitants de la Place Carrée et cette capacité indiscutable à garder son récit sous tension. Le mariage de Lounès et Léa est l’occasion pour lui de se pencher sur les différents aspects de la cérémonie et leur symbolique, abordant aussi bien l’habillement (les fameuses sept robes de la mariée) que la nourriture ou les étapes successives d’un protocole particulièrement élaboré. Mais Tristan Saule ne perd pas de vue son récit et construit avec son habileté coutumière une trame dont il noue les différents fils (le mariage, l’enquête de Léa, les difficultés de Lounès, les émeutes) avec finesse et dextérité. La multiplicité des personnages et le réseau de relations qui existent entre eux lui permet de garder tout au long du roman une cohérence qui n’est pas pour rien dans la force qui se dégage de ces pages. Chacun, chacune a sa partition à jouer, certains le font sur plusieurs tableaux et aucune erreur de casting n’est à déplorer. On appréciera également la façon dont certains clichés sont évités, voire retournés, ainsi que la profondeur insoupçonnée que l’on finit par deviner chez certains.

Creusant son sillon avec méthode et talent, Tristan Saule s’intéresse par ailleurs aux liens entre politique et narcotrafic dans les banlieues et parvient, sans tomber dans l’enquête journalistique, à donner encore un peu plus d’épaisseur et de réalisme à son roman. Avec Les sept robes, il met le feu à la Place Carrée et nous laisse dans l’expectative concernant le dernier volume à paraître. En attendant, il conviendra de lire celui-ci et de se laisser happer une nouvelle fois par la mécanique implacable et le sens du rythme d’un auteur en pleine possession de ses moyens, capable de manier les émotions comme le lance-roquettes, toujours juste et percutant. Du beau travail.

Yann.

Les sept robes, Tristan Saule, Le Quartanier, 361 p. , 21€.

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