
Antonin Varenne, c’était la première fois que je le lisais, et le souvenir que j’en avais m’a décidé à le relire.
Parce que…
Tomber sur un roman de cette qualité, ça n’arrive pas tous les mardis matin.
Bon.
La nature, encore le personnage principal de ce livre.
En même temps, on était chez Territori. Donc, c’était logique, même si on est maintenant à La manufacture de livres.
On ne sait pas vraiment où ils habitent, les gens de ce roman. La ville, c’est R.
Ça peut être l’initiale de quelque chose, ou de Rien.
La ville, on croit qu’elle n’a pas d’importance.
Elle est juste là.
Quand j’y suis née, R. était encore une ville.
Ça suppose que ça n’en est plus une, et dans le livre, y a des gens.
Le type que tu vas suivre pendant 280 pages, il s’appelle Rémi. Il est Flic. Pas réellement flic, en fait. Il bosse à l’ONF.
Garde-chasse.
Alors, il est un peu le flic des forêts, des braconniers, des chasseurs aussi.
Il habite à La Terre Noire. C’est beau, la Terre Noire. C’est le seul coin qu’il ait voulu garder quand sa sœur et lui, ils ont vendu les terres de leurs parents.
Alors encore, il y a construit une maison.
Pour lui, sans doute.
Mais je te dis pas. Tu verras.
Il y a d’autres gens, forcément.
Deux familles, surtout. Avec celle de Rémi, ça fait trois. Et trois, c’est la guerre.
Tu as déjà vu ça.
Des exploitants qu’en ont rien à péter des arbres, et ça, c’est pas bien.
Des éleveurs, qu’en ont rien à péter des arbres non plus.
Il y a une fille aussi. Forcément.
Les histoires d’amour, c’est souvent ce qui fout le bazar entre les familles.
Elle s’appelle Michèle. Elle est belle.
C’est vrai ce que t’as dit à Vanberten ?
– Quoi ?
Que je suis une fille trop belle pour ici.
– C’est vrai.
Il y a les manouches aussi. Ils parlent pas beaucoup, mais ils disent les choses.
Tu chasses le démon, Garde.
Rémi sourit.
J’ai picolé, je sais pas ce que je fais ici.
– L’alcool te fait seulement tomber là où tu regardes.
Tu te souviens de Retour à la nuit ; forcément, d’Éric Maneval. J’en ai parlé il y a longtemps. Les cicatrices du type, cachées par les vêtements. Là, Rémy, il en a aussi des cicatrices. Elles sont pas cachées. Il les porte sur sa gueule. Parce que sa gueule à lui, elle est cassée. Il a eu un genre d’accident.
Pas simple.
Pas simple quand t’es amoureux de la plus jolie fille de la région, et qu’elle est amoureuse de toi.
Pas simple, parce que les autres, ils ne pigent pas ce qu’elle te trouve. Ils croient que le physique est la seule chose importante dans les histoires d’amour.
Ils n’ont rien compris.
Alors ils te haïssent.
La haine, ça fabrique des coups, des colères, des meurtres aussi.
Quand tu finis un chapitre, tu crois que tu y vois plus clair. Tu imagines que tu tiens le fil de l’histoire. Tu te goures. Le fil, c’est Antonin Varenne qui le tient. Il te laisse juste des morceaux pour que tu te croies malin.
Puis, tu commences à comprendre que la ville, celle dont tu penses depuis le début qu’elle n’a pas d’importance, c’est peut-être aussi un des personnages.
Que la ville, elle a péché.
Grave.
Que la rédemption, ce n’est pas forcément dans le pardon que tu la trouves.

Varenne, il me fait penser à un de ces Compagnons du Tour de France. Ceux qui bossent toute leur vie pour maîtriser l’art qu’ils ont choisi. Il est comme ça. Parce que se balader à ce point dans le passé et le présent, c’est juste diabolique. Tu pourrais croire au début que tu vas te perdre.
Tu te goures encore.
Tu te perds pas.
Jamais.
Il aurait pu aussi tomber dans le piège des trucs à la mode. Tu sais, les trucs écolo-branchouilles.
Il en est à des kilomètres.
Parce que la nature, dans son bouquin, elle est omniprésente à travers les hommes. Sans eux, elle n’existe pas, et les hommes, ils font des conneries. Mais je te dis pas.
Comme d’hab.
Va le chercher…
C’est tout ce que j’ai à dire sur ce roman.
Nicolas.
Battues, Antonin Varenne, Points, 328 p. , 8€95.