L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Dérive sanglante, William G. Tapply (Gallmeister / Totem) – Seb
Dérive sanglante, William G. Tapply (Gallmeister / Totem) – Seb

Dérive sanglante, William G. Tapply (Gallmeister / Totem) – Seb

« Cinq ans plus tôt, par une belle matinée de la fin mars, ils l’autorisaient à quitter l’hôpital. En Virginie, c’était déjà le printemps. Dans la Ford d’occasion qu’il venait d’acheter, il avait instinctivement emprunté la route 81 en direction du nord, happé par les images du Maine qui se bousculaient dans sa tête. L’herbe qui bordait la route de Pennsylvanie était si verte qu’elle lui faisait mal aux yeux. Les arbustes verdoyaient, les pissenlits fleurissaient, les marmottes se levaient sur leurs pattes arrière dans les champs, et il avait si hâte de toucher au but qu’il ne s’arrêta que deux fois : une fois à la sortie de Scranton et une fois dans le Connecticut pour reprendre de l’essence et boire un café. »



L’histoire. Stoney Calhoun est un homme sans repères qui a perdu la mémoire. Il a été fulguré en montagne, c’est-à-dire qu’il a été frappé par la foudre mais n’en est pas mort. Après cinq ans de soins en hôpital, il est en route pour un endroit qui l’obsède sans qu’il sache pourquoi, le Maine. C’est là que nous le retrouvons, bien installé dans une solide cabane, avec un chien et un bon boulot de guide de pêche et de chasse dans une petite boutique. Sa patronne, Kate, est très cool et il s’entend bien avec Lyle, un autre guide qui bosse avec lui. Mais un jour, Lyle, qui était parti accompagner un client, un certain Green pour une journée de pêche, ne rentre pas. Calhoun sent qu’il y a un problème et se met à sa recherche.

C’est le premier roman de William G.Tapply que je lis, et je ne le regrette pas. Une amie libraire m’en avait chanté les louanges il y a deux ans, j’avais acheté le roman et depuis ce temps il sommeillait dans la bibliothèque. 350 pages, il n’a pas fait un pli. Je l’ai avalé, me tortillant dans mon plumard pour me convaincre d’éteindre et de dormir, puis m’accordant un autre chapitre. Le genre de truc que vous avez déjà fait plein de fois, je le sais bien.
Il faut dire que ce roman possède de solides arguments. L’idée de placer le récit dans le Maine, état que j’ai toujours aimé sans jamais y avoir mis les pieds, sans doute parce que je l’ai arpenté de long en large et en travers grâce aux belles et fameuses histoires du Maître, de Derry à Bangor, de Castle Rock à Augusta.
Ensuite le personnage principal, Stoney Calhoun, est très bien né. Un passé inaccessible, pour cause de foudre, mais un passé présent à chaque seconde de sa vie puisqu’il souffre de séquelles et que ce gros problème de mémoire qui se refuse à lui, l’obsède. Car il pressent qu’il n’avait pas une vie normale avant cet éclair qui a tout changé. Ses soupçons sont corroborés par cet argent qui tombe chaque mois sur son compte sans qu’il sache d’où il vient et pourquoi. Et puis il y a ces visites régulières de cet homme en complet gris qui vient sans prévenir prendre de ses nouvelles et lui poser des questions pour savoir si sa mémoire revient.


L’autre atout, c’est la nature partout et tout le temps, les rivières les collines, les vallées et les forêts, tout cela bruisse de vie, d’animaux, de variations de températures, de lumières tranchantes, des jours appariés avec les nuits.
L’écriture s’attache à unir les personnages et leurs actes à ce qui les entoure, ce pays avec ses codes, son langage et ses traditions. Tout cela infuse en chaque personne, et Stoney évolue au milieu avec une belle aisance. Tout le monde le connaît et l’aime bien, il faut dire que ce n’est pas un gars compliqué. Mais c’est un gars accrocheur, fidèle en amitié et qui comme tout un chacun, est capable de se livrer aux turpitudes de la vengeance. Faut pas l’emmerder Stoney. Et cette disparition, vraiment très mystérieuse, va prendre une ampleur insoupçonnée et déraper dans les grandes largeurs.
Mais ce roman est étonnant, il prend son temps, c’est plutôt calme la plupart du temps et pourtant on ne peut pas en sortir. Il faut dire que les personnages sont très attachants et que ce pays, on s’y plait. Il y a un mystère dans cette écriture qui nous rend dépendant, qui nous pousse à continuer. Il paraît que ça s’appelle le talent, je n’en sais rien, tout ce que je sais, c’est que ça marche ! Tapply en possède une sacrément bonne dose, de talent, il fait évoluer ses personnages dans leur écosystème à la manière de James Lee Burke, et ça, c’est un putain de compliment. Stoney n’est pas shérif, mais il s’entendrait bien avec Dave Robicheaux, c’est sûr.
Après Dérive sanglante, William G.Tapply a écrit deux autres romans avec ce personnage de Stoney Calhoun, Casco Bay et Dark Tiger. Je sais déjà que tu sais que je me les suis procurés.
Bref, il y a tout ce qu’il faut dans ce roman pour se sentir bien, heureux et comblé, choyé par un romancier qui assure un max avec une forme de nonchalance qui en impose. N’hésitez pas une seconde, filez dans le Maine, et bonjour à Stephen.

Traduit de l’américain par Camille Fort-Cantoni.

Seb.

2 commentaires

    1. Vidal

      En effet, ce personnage avait un très gros potentiel romanesque et nous sommes obligés de nous contenter de ces trois opus. Mais nous pouvons faire vivre cette oeuvre en parlant d’elle et de son auteur. Merci pour votre message.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

En savoir plus sur Aire(s) Libre(s)

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture