L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
La petite fasciste, Jérôme Leroy (La Manuf) — Nicolas
La petite fasciste, Jérôme Leroy (La Manuf) — Nicolas

La petite fasciste, Jérôme Leroy (La Manuf) — Nicolas

J’aime bien Jérôme Leroy. C’est comme un préambule. Je l’ai croisé à l’occasion, notamment, d’un salon du polar dans le sud de la France, et j’avais beaucoup aimé sa simplicité, voire son humilité.

C’est pas rien, dans un milieu où ceux qui vendent des livres ont un peu tendance à se la péter…

Avec La Petite fasciste, Jérôme Leroy poursuit son exploration des dérives politiques et sociales de notre époque à travers un roman qui mêle, encore une fois, la satire, le réalisme et le portrait intime des gens que tu vas croiser dans le roman.

Il y a eu Le Bloc et La Petite Gauloise, et il semble que l’idée soit de continuer d’interroger la montée des extrêmes et le désenchantement du monde politique avec une lucidité aiguisée comme un couteau de cuisine japonais. Dans ce nouveau roman, une rencontre aussi improbable que révélatrice entre une jeune militante identitaire et un député socialiste un peu vieux, dans un contexte où la France paraît au bord du basculement.

Un duo étonnant : d’un côté, une jeune femme de vingt ans, engagée dans un mouvement identitaire flamand (et tu vas penser au GUD), radicalisée et pleine de certitudes ; de l’autre, un député sexagénaire, fatigué du jeu politique et surtout du vide idéologique qui tourne autour de lui, comme l’œil du cyclone qu’on voit parfois au cinéma.

La rencontre entre Francesca Cromelink et Patrick Bonneval, qui aurait dû rester anecdotique, devient le cœur du roman. Une relation complexe entre ces deux personnages, et Jérôme Leroy explore la perméabilité des convictions, les paradoxes idéologiques et le besoin humain d’adhérer à une cause, quelle qu’elle soit. Tu peux le voir chacun des jours qui passe en ce moment. On a besoin de faire partie d’un tout. Même si ce tout ne correspond pas forcément à ce qui est profondément ancré en nous. Même si ce tout va au-delà de nos convictions profondes. Loin de tomber dans la caricature simpliste, l’auteur met en lumière ce qui, malgré leurs différences, unit ces personnages : un profond désenchantement et une quête de sens dans un monde en pleine mutation.

Fidèle à son engagement littéraire et sans doute personnel, Jérôme Leroy ne se contente pas de raconter une histoire : il dresse un état des lieux acéré de notre société. À travers le parcours de son héroïne, il interroge les raisons qui poussent certains jeunes vers l’extrême droite, entre sentiment d’abandon, besoin d’identité et rejet d’un monde globalisé qui ne leur offre plus de repères.

Le député, quant à lui, incarne cette classe politique socialo-centriste qui a cru pouvoir dompter les tensions sociales sans jamais répondre aux véritables préoccupations des citoyens. Usé et désabusé, il symbolise une époque où le clivage gauche-droite a perdu son sens, laissant place à une montée des extrêmes, portée par une colère que le système ne comprend pas.

Et des phrases qui percutent, et te font parfois sourire, mais jaune, le sourire… La France est ce pays riche, plein de pauvres.

À travers ces trajectoires, La Petite fasciste pointe du doigt un phénomène inquiétant : la manière dont les discours populistes et identitaires parviennent à séduire une partie de la jeunesse, non pas forcément par adhésion idéologique, mais par défaut, par rejet d’une société qui ne leur offre plus d’espoir.

Malgré son titre que d’aucuns, toujours les mêmes, vont trouver provocateur, le roman de Jérôme Leroy n’est ni un pamphlet, ni une dénonciation simpliste. Il s’agit avant tout d’un roman noir, dans la plus pure tradition du genre et que n’aurait pas renié Manchette : un récit où les personnages évoluent dans un monde en crise, où les frontières entre le bien et le mal deviennent floues et où l’espoir semble une denrée rare.

Elle distingue juste après le type aux lunettes dorées. Il se tourne vers elle, remonte la main qui tient un flingot rendu bizarre par l’adjonction du réducteur de son Fischer. Sans trembler, Paulette Boitel épaule pour lui balancer la purée en plein dans le buffet, encaissant le recul avec stoïcisme.

L’écriture est fluide, incisive, et elle alterne entre cynisme et mélancolie. Pas de message imposé, mais plutôt un tableau de notre société, avec de jolies nuances bleues, blanches, et rouges.

La Petite fasciste est un livre profondément humain, qui donne à voir et à comprendre plutôt qu’à juger.

C’est un roman puissant et parfois presque dérangeant, mais qui éclaire avec justesse les fractures idéologiques et sociales contemporaines. En donnant voix à deux personnages que tout oppose, Jérôme Leroy nous plonge dans une réalité inconfortable, mais essentielle à appréhender. Un regard précis, une écriture maîtrisée et à l’os, un refus des évidences font de ce livre une lecture aussi troublante que nécessaire.

Un roman à mettre entre toutes les mains pour mieux comprendre les paradoxes d’une époque en pleine mutation et qu’on devrait ajouter aux livres à lire au collège ou au lycée…

C’est tout ce que j’ai à dire.

Nicolas

La Petite fasciste, Jérôme Leroy, La Manufacture de Livres, 192 p. , 12€90.

Ils disaient Demain, c’est loin… T’es sûr ?

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