
Laurent Gaudé fait de nouveau s’élever les voix dans un chœur sublime, puissant, inoubliable.
« Nous resterons tristes longtemps mais pas terrifiés. Pas terrifiés. »
Vendredi 13 novembre 2015, des femmes et des hommes profitent de la douceur automnale sur Paris. Une amoureuse transie se prépare à rejoindre sa bien-aimée, des jumelles décident de se retrouver à la capitale, une jeune maman se fait violence pour s’accorder une sortie au Bataclan, la vie offre ses élans à chaque instant.
Laurent Gaudé, tel un coryphée, dirige ses cœurs simples à l’ouvrage, vies palpitantes du quotidien, celles qui se réunissent en terrasse, se découvrent, s’embrassent, s’exclament, trépignent, dansent.
Non loin va surgir « le Hasard qui va prendre possession des rues. C’est lui qui décide, Il sourit parce que ce soir, il va bâfrer. Et il joue. Avec malice. (…) »
Terrasses ou notre long baiser si longtemps retardé est une foudroyante beauté de 133 pages s’opposant avec maestria à la barbarie.
Évidemment que cela remue de nouveau les tripes, ces éclats de vie éparpillées cette nuit-là.
Le talent de Laurent Gaudé est aussi de tisser ces destins.
Ensembles.
Toujours.
C’est là que cela touche, pour moi, au remarquable, un sublime essentiel dans ce qui résonne de cette proximité des âmes.
Premiers témoins, premiers intervenants, voix mêlées du dehors et du dedans.
L’écriture de l’auteur donne un rythme, des choses apparaissent, résonnent, des strates de sens, de la poésie qui se dégage d’un coup, dans ce chaos.
Laurent Gaudé sait faire parler celles et ceux qui ne sont plus là, conjointement à celles et ceux qui restent, il crée des formes pour faire entendre les voix, unies.
Et celles-ci sont désormais inoubliables.
Terrasses ou notre long baiser si longtemps retardé est un bouleversement.
Fanny.
Terrasses ou notre baiser si longtemps retardé, Laurent Gaudé, Actes Sud, 132 p. , 14€50.