L’envie de partage et la curiosité sont à l’origine de ce blog. Garder les yeux ouverts sur l’actualité littéraire sans courir en permanence après les nouveautés. S’autoriser les chemins de traverse et les pas de côté, parler surtout de livres, donc, mais ne pas s’interdire d’autres horizons. Bref, se jeter à l’eau ou se remettre en selle et voir ce qui advient. Aire(s) Libre(s), ça commence ici.
Vine Street, Dominic Nolan, une enquête au long cours (Rivages / Noir) – Yann
Vine Street, Dominic Nolan, une enquête au long cours (Rivages / Noir) – Yann

Vine Street, Dominic Nolan, une enquête au long cours (Rivages / Noir) – Yann

« Depuis toujours persuadé d’être destiné à autre chose, mais incapable d’imaginer quoi, Geats traitait la vie comme une série interminable d’altercations qu’il entreprenait avec un mépris insouciant pour son sort ou celui des autres, en attendant qu’un jour se révèle son but ultime. En guise de planification, ça n’était pas bésef, mais il n’avait jamais été un as du long terme. »

Vine-Street

Sélectionné pour le prix Rivages des Libraires, ce premier (!) roman de Dominic Nolan était passé sous nos radars en avril dernier. Sa sortie en poche permettra donc de découvrir une plume que l’on espère retrouver très vite dans le riche catalogue Rivages tant ce premier opus s’avère impressionnant à plusieurs égards.

Il s’agit tout d’abord d’une intrigue au long cours puisqu’elle s’ouvre dans les années 30 et trouve sa conclusion presque 70 ans plus tard. Fort d’une assurance qu’on ne pourra lui reprocher, Dominic Nolan met en scène la traque acharnée d’un tueur aussi habile que pervers par deux hommes et une femme qui constituent à eux seuls une autre grande réussite du roman. Geats, Cassar et Billie (appelée à devenir Mme Cassar) forment un trio à la fois improbable et d’une solidité à (presque) toute épreuve. Leurs relations parfois troubles, souvent conflictuelles, leur égale ténacité et la complémentarité de leurs caractères font tout le sel de ce Vine Street car c’est bien sur eux que repose le roman , davantage encore que sur cet insaisissable « Brigadier » dont les victimes s’accumulent au fil des ans.

C’est en marchant dans les pas de Geats, membre de la brigade des Moeurs et Night-clubs de la police de Westminster, que le lecteur va se retrouver plongé, grâce à l’indéniable talent de Nolan, dans les bas-fonds londoniens et y découvrir une faune à la moralité parfois vacillante mais souvent plus attachante que certaines figures policières, collègues avec lesquels Geats doit composer au prix, parfois, de sévères dérouillées. Le monde des night-clubs plus ou moins clandestins et les habitudes de celles et ceux qui les fréquentent est décrit avec un réalisme cru et constitue un décor de premier choix pour les agissements du « Brigadier ». Quant à Cassar, ses errements en font là aussi un personnage original et touchant, plus à l’aise dans ces lieux interlopes qu’au sein du commissariat où il travaille.

La grande force du roman de Dominic Nolan, indissociable de son étalement dans le temps, est de mettre en scène les aventures de ses protagonistes dans un décor miné par la guerre et les bombardements et qui évolue constamment au fil du roman. La destruction de certains immeubles permet ainsi de découvrir inopinément une nouvelle victime de ce tueur retors, quand ce n’est pas le bombardement lui-même qui vient bouleverser l’enquête en tuant prématurément d’éventuels témoins capitaux. Dans ce décor en perpétuel bouleversement, c’est une géographie instable qui se met en place et brouille les pistes à tel point qu’un bâtiment entier semble avoir disparu des cartes sans même avoir été bombardé ! Mener une enquête dans ces conditions finit par relever du sacerdoce, à tel point que Geats et Cassar (et Billie dans une moindre mesure) finiront par y consacrer leur vie.

Bombardements des docks de Londres en 1940. Crédit : Wikimedia Creative Commons.

Le roman s’ouvre en 2002 par la découverte d’un corps qui semble être celui de Geats, prélude à plus de 700 pages qui constituent un des romans les plus intéressants de ce début d’année. Dominic Nolan s’impose comme un auteur à suivre et donne à ce Vine Street toutes les qualités d’un futur classique ou, à tout le moins, d’un roman de référence au sein d’un catalogue qui n’en manque pourtant pas.

Traduit de l’anglais par Bernard Turle.

Yann.

Vine Street, Dominic Nolan, Rivages / Noir, 750 p. , 12€50.

2 commentaires

  1. Ah ce roman…Lu et chroniqué à sa sortie, ça n’est pas une lecture facile, mais quelle oeuvre ! qui pose un regard sur une époque et des événements sombres, sur une société aussi. Ton article est magnifique et rend bien compte de la richesse, de la densité de ce roman. Bravo

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