C’est une tradition, certes mais, pour nous, c’est avant tout le meilleur moyen de clore une année avant d’en attaquer une nouvelle. En effet, quoi de plus réjouissant que de se remettre en tête les titres qui nous ont régalés ces douze derniers mois avant d’essayer d’imaginer le programme à venir ? Comme d’habitude en Aire(s) Libre(s), il y a du vieux et du moins vieux, du noir et du moins noir, voire du coloré, bref on essaie de garder le cap fixé il y a cinq ans déjà. Merci d’être là et de nous lire !
Aurélie
C’est toujours aussi dur de se restreindre à 10 titres qui ont illuminé une année de lecture. J’ai décidé de choisir uniquement des livres qui m’ont énormément touchée et qui n’ont, il me semble, pas eu la lumière escomptée dans le foisonnement des parutions littéraires. Soyez curieux !
L’Été indien, Joël Baqué (P.O.L.)
Le Livre d’Anna, Madeline Roth (La Fosse aux ours)
Et puis, on aura vu la mer, Tristan Saule (Le Quartanier)



Prendre son souffle, Geneviève Jannelle (Québec Amérique)
Avant de brûler, Virginie DeChamplain (La Peuplade)
Les Esseulées, Victor Lavalle (Actes Sud)



Le Cratère, Arièle Butaux (Éditions Sabine Wespieser)
Le Tumulte et l’oubli, Timothée Demeillers (Asphalte)
Les Grandes patries étranges, Guillaume Sire (Calmann-Lévy)



L’Homme qui apporte le bonheur, Catalin Dorian Florescu (Éditions des Syrtes)

Fanny
Dompter les vagues, Vendela Vida, traduit par Marguerite Capelle. (Terres d’Amérique, Albin Michel) / pour mettre au feu les apparences trompeuses.
L’honorable collectionneur, Lize Spit, traduit par Emmanuelle Tardif (Actes Sud) . / parce qu’un roman n’a pas besoin de 500 pages pour être magistral.
Plouhéran (BD), Isabel Del Real (Delcourt) / pour les belles émotions voyageuses.



Cauchemar (BD), Pierre Ferrero (L’Employé du moi) /pour lutter contre toutes les formes de fascisme.
L’absence est une femme aux cheveux noirs, Emilienne Malfatto et Rafael Roa (Éditions du Sous-sol) / pour nous dire que la famille n’est pas imperméable à l’histoire.
Le chant de la rivière, Wendy Delorme (Cambourakis) / Pour admirer ce territoire affranchi niché dans ces hautes montagnes.



À quoi songent-ils ceux que le sommeil fuit, Gaëlle Josse (Notablia) / pour veiller notre humanité vacillante au clair de lune.
La forêt barbelée, Gabrielle Filteau-Chiba (le Castor Astral) / pour préserver le vivant et déployer nos résistances en poésie et ailleurs.
Border la bête, Lune Vuillemin (La Contre-Allée)/pour entrer dans la forêt boréale et s’y lover.



Ernestine (BD), Salomé Laroche (Éditions Même pas mal) / pour le côté punk, jubilatoire et irrévérencieux.
Épinette noire (BD), Aurélie Wimer (Super Loto) /pour aller au cœur de la nordicité et s’y sentir comme dans un grand roman d’aventure.
Le vent léger, Jean-François Beauchemin (Québec Amérique) / pour donner du courage, entretenir la joie et la gratitude d’être au monde.



Le don, Kristina Gauthier-Langry (La Peuplade) / pour une présence d’amour.
L’or des Mélèzes, Carole Labarre (Mémoire d’encrier) / pour sentir qu’être en communauté c’est comme être relié au Grand Tout et y ressentir la beauté Innue.



Hélène
Liens de sang, Octavia E. Butler (Au Diable Vauvert), traduit par Nadine Gassie et Jessica Shapiro.
Aux marges du palais, Marcus Malte (Zulma).
Cabane, Abel Quentin (L’Observatoire).



Le Cimetière de la mer et Les Héritiers de l’Arctique, Aslak Nore (Le Bruit du Monde / 10/18), traduits par Loup-Maëlle Besançon.
L’été de Katya, Trevanian (Gallmeister / Totem), traduit par Emmanuelle de Lesseps et Marc Boulet.
Le Tumulte et l’oubli, Timothée Demeillers (Asphalte).



Alors c’est bien, Clémentine Mélois (Gallimard).
Nous traverserons des orages, Anne-Laure Bondoux (Gallimard Jeunesse).
L’allègement des vernis, Paul Saint-Bris (Philippe Rey).



Et travailler et vivre, Fabien Toulmé (Delcourt).

Margot
Rouge, Hovik Afyan (La Peuplade), traduit par Anahit Avetissian.
Martyr !, Kaveh Akbar (Éditions Scribes), traduit par Stéphane Roques.
Torno subito , François Durif (Éditions Verticales).



Tarentule, Eduardo Halfon (Quai Voltaire), traduit par David Fauquembeg.
Trash Vortex, Mathieu Larnaudie (Actes Sud).
Bien être, Nathan Hill (Gallimard), traduit par Nathalie Bru.



Ceux du lac, Corinne Royer (Éditions du Seuil).
Archipels, Hélène Gaudy (Éditions de L’Olivier).
Le Paradis des fous, Richard Ford (Éditions de L’Olivier), traduit par Josée Kamoun.



À bout portant Versailles 1972, Philippe Artières (Éditions Verticales).
Mille images de Jérémie, Clément Ribes (Éditions Verticales).
Palais de verre, Mariette Navarro (Quidam Éditeur).



Si peu, Lodoli (P.O.L.),traduit par Louise Boudonnat.

Mélanie
Coyote, Sylvain Prudhomme (Éditions de Minuit).
Archipels, Hélène Gaudy (Éditions de L’Olivier).
Toilettes pour femmes, Marylin French (Robert Laffont), traduit par Philippe Guilhon et Sarah Idrissi.



La désinvolture est une bien belle chose, Philippe Jaenada (Éditions Miallet-Barrault).
Disparition inquiétante d’une femme de 56 ans, Anne Plantagenêt (Éditions du Seuil).
Le Paradis des fous, Richard Ford (Éditions de L’Olivier), traduit par Josée Kamoun.



Alors c’est bien, Clémentine Mélois (L’Arbalète/Gallimard).
Le syndrome de l’orangerie, Grégoire Bouillier (Flammarion).
Palais de verre, Mariette Navarro (Quidam).



Chiennes de garde, Dahlia de La Cerda (Éditions du Sous-Sol), traduit par Lise Belperron.
Qui après nous vivrez, Hervé Le Corre (Rivages / Noir).


Nicolas
La viande des chiens, le sang des loups, Misha Halden (Fleuve Noir)
Le syndrome du varan, Justine Niogret (Le Seuil)
Dans les eaux du grand nord, Ian MacGuire (10/18), traduit par Laurent Bury.



Bluff, David Fauquemberg (Stock / Folio).
Clair obscur, Don Carpenter (Cambourakis), traduit par Céline Leroy.
Crocs, Patrick K. Dewdney (La Manufacture de Livres)



Madelaine avant l’aube, Sandrine Collette (Lattès).
Katie, Mickael McDowell (Monsieur Toussaint Louverture), traduit par Jean Szlamowicz.
La maison biscornue, Gwen Guilyn (Le Panseur).



La femme des sables, Kôbô Abé (Stock / LGF), traduit par Georges Bonneau.
Les deux visages du monde, David Joy (Sonatine), traduit par Jean-Yves Cotté.


Seb
La route, Manu Larcenet (Dargaud) : le terme de chef d’œuvre est aujourd’hui galvaudé et utilisé à tout bout de champ, mais je crois que c’est l’adjectif qui convient pour ce roman graphique qui saisit toute l’ampleur du roman de Cormac McCarthy, toute sa noirceur en réussissant à se démarquer par le dessin épuré avec des planches qui méritent d’être encadrées et accrochées au mur.
Anima, Wajdi Mouawad (Babel) : ce roman m’a essoré les tripes, cela fait presque un an que je l’ai lu et j’y repense régulièrement.
Les Marches de l’Amérique, Lance Weller (Gallmeister / Totem) : l’histoire folle de deux hommes et une femme dans l’Amérique de la conquête de l’Ouest. Une idée géniale et originale, l’écriture de Lance Weller, sublime, et un tableau d’une époque de violence extrême, du grand western. Weller s’installe dans la maison des grands romanciers de l’Amérique. Traduit par François Happe.



La grande peur dans la montagne, Charles-Ferdinand Ramuz (LGF) : avec une économie de mots Ramuz fait monter la sauce, travaille au corps ses personnages, en fait un de la montagne, inquiétante, vaste, secrète. Le Giono suisse, pas d’autre équivalence.
Colline, Jean Giono (LGF) : Giono au sommet de son art dans sa montagne, il répond à Ramuz et sa grande peur dans la montagne, à moins que ce ne soir Ramuz qui lui répondît.
Les derniers indiens, de Marie-Hélène Lafon (Buchet-Chastel) : avec son écriture à la serpe et ses formules qui tapent, la cantalienne raconte la fin d’une époque, les derniers indiens. Sans pathos, sans passéisme, c’est beau comme du Giono qui aurait vécu dans le Cantal. La fin est digne d’un grand roman noir, les genres se croisent sous la plume alerte de Marie-Hélène Lafon.



Chevreuil, Sébastien Gendron : foutraque, c’est l’adjectif qui vient à l’esprit quand on lit Chevreuil. Burlesque aussi. Mais au-delà d’une écriture comico-sarcastique, Sébastien Gendron dépèce une société qui s’enfonce dans la peur et la haine et ne trouve comme réponse à cela, que la violence. Edifiant. Nous connaissons tous un Saint-Piéjac près de chez nous.
Clouer l’ouest, de Séverine Chevalier : sur le thème du retour de l’enfant prodigue, Séverine Chevalier nous conte une histoire singulière et très sombre. Heureusement que son style aiguisé est rempli de lumière. Un grand court roman, si beau et bien écrit que La manufacture de livres l’a réédité avec une nouvelle couverture.
Une tâche sur l’éternité, de James Lee Burke : le Grand Romancier des espaces naturels, on ne le dit pas assez. James Lee Burke possède un style fa-bu-leux, qui rend addictif, amoureux, admiratif. Il faut bien un personnage comme Robicheaux pour tenir la comparaison avec son écriture tantôt sèche tantôt lyrique, toujours juste. Avec ce roman déjà ancien, l’auteur continue son autopsie du sud et des gens qui y vivent. Incontournable. Traduit par Freddy Michalski.



Ce lien entre nous, David Joy (Sonatine – 10/18) : le troisième roman d’un auteur qui a trouvé sa place en se glissant sous l’ombre tutélaire de Ron Rash. C’est vrai qu’ils ont de grands et beaux points en commun, à commencer par le lieu, les Appalaches. Autour d’une poignée de personnages, Joy va vous maltraiter l’âme et vous transpercer le cœur. Ron Rash peut se consacrer à la poésie, la relève est bien là et elle est digne de lui. Traduit par Fabrice Pointeau.
Le journal d’un manœuvre, Thierry Metz (Folio) : l’auteur, qui savait écrire, parvient à nous captiver avec la description de ses journées harassantes et abrutissantes de manœuvre dans le BTP. C’est rempli de poésie, à travers la truelle et la pioche il nous offre une vue de la société, de ce que le travail pénible et aliénant qui fait aux âmes, aux corps, les pires choses. Il die ce que le manque d’horizon fait au bonheur. Court et efficace comme un uppercut. Essentiel.


Yann
Ma première impression, en me replongeant dans la liste des romans lus cette année, fut que 2024 n’avait finalement rien d’exceptionnel. Pourtant, après en avoir extrait cette dizaine de titres et relu les chroniques associées, je me dis que, bon sang de bois, il y a là-dedans quelques romans sacrément marquants dont je devrais me souvenir longtemps. Bilan positif, donc, même si la tonalité d’ensemble est plutôt sombre (voire très sombre), à l’image d’un monde qui semble partir en roue libre, au bord de l’implosion. Bref, si c’est du feel-good que vous cherchez, passez votre chemin, vous risquez d’être déçu(e)s.
L’année démarrait sur les chapeaux de roue avec un François Médéline en pleine forme qui, dans La Résistance des matériaux, brouillait allègrement réel et fiction pour offrir un roman noir politique explosif et jouissif.
C’est un choc d’un tout autre genre qui nous attendait avec Prendre son souffle, une vraie baffe, même si je ne suis pas spécialement amateur de cette expression souvent galvaudée. Mais ce texte est unique et laisse des traces profondes, sensible et cru, pour moi la véritable découverte de cette année.
On était passé à côté des Luminaires, la parution de Birnam Wood offrait donc une séance de rattrapage plus que convaincante puisque ce titre figure ici. Dense, fluide et tendu, ce « thriller écologique » (attention, étiquette très réductrice !) est une vraie réussite. Traduit par Marguerite Capelle.



Encore un roman qui nous a pris par surprise, cet Infrason résonne pleinement avec son époque et livre une description acérée de la dérive sectaire d’une mère de famille ordinaire. Inquiétant portrait au vitriol d’une Amérique où la parole politique n’est plus entendue, c’est un texte marquant. Traduit par Fabrice Pointeau.
Dan Chaon ou l’art de se renouveler. Somnambule offre un road trip déjanté dans une Amérique future en proie à ses éternels démons. C’est un roman aussi fou qu’attachant qui se démarque sans mal de la concurrence. Traduit par Hélène Fournier.
Celui-ci ne sera pas une surprise. Bien au contraire, il était attendu et sa présence ici ne fait que confirmer ce que l’on savait déjà : Benjamin Whitmer est définitivement une grandes voix de la littérature américaine contemporaine. S’il n’a pas été chroniqué, c’est uniquement par faute de temps, n’hésitez pas à vous jeter dessus si ça n’est pas encore fait. Traduit par Jacques Mailhos.



Même constat que pour Benjamin Whitmer, que ce soit par la qualité de ce Dernier roi de Californie ou pour le fait qu’il n’ait pas non plus été chroniqué dans nos colonnes. Jordan Harper confirme livre après livre son talent, c’est un des meilleurs auteurs de noir actuels, pas moins. Traduit par Laure Manceau.
Intimidante, certes, mais d’une classe rare, l’écriture de Mathieu Larnaudie, fait de ce Trash Vortex un des grands romans de la rentrée littéraire 2024. Aux prises avec les préoccupations de notre époque, habité par une élégance et une ironie salvatrices, on regrettera que les prix littéraires l’aient ignoré.
On parlait de baffe avec Prendre son souffle un peu plus haut, c’est une véritable tarte que nous envoie le prodige Stephen Markley avec ce Déluge qui devrait marquer les esprits comme il marquera cette rentrée. Roman monstre qui nous plonge au coeur du dérèglement climatique, Le Déluge est purement ahurissant, aussi riche que fluide, et offre une vision panoptique de ce que risque de devenir notre monde dans les années qui viennent. Traduit par Charles Recoursé.



La dernière surprise de cette année nous vient de Jamaïque et devrait contribuer à défriser quelques rastas. Dire Babylone est le roman d’une émancipation et on espère que la voix de Safiya Sinclair résonnera longtemps sur la scène littéraire et dans nos coeurs. Traduit par Johan-Frédérik Hel-Guedj.
Alors que ce classement semblait complet et que l’année approchait gentiment de sa conclusion, j’ai eu le bonheur de découvrir cette Maison des Jeux, trilogie de Claire North parue au Bélial et traduite par Michel Pagel. Une réflexion fascinante sur le pouvoir et le hasard doublée d’un sens du rythme et de l’action particulièrement affûté. Un régal ! Traduit de l’anglais (États-Unis) par Michel Pagel.
Cerise sur la gâteau et toujours chez Le Bélial, c’est La Montagne dans la mer qui vint clôturer cette année de façon magistrale. Ray Nayler imagine un monde dans lequel la découverte d’une nouvelle espèce intelligente enflamme les esprits, entre fascination et répulsion. La Montagne dans la mer est un roman captivant autour de l’altérité, de la communication et de l’anthropocentrisme dont notre espèce peine à se débarrasser. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Henry-Luc Planchat.



Une belle année de lectures de plus, on se retrouve en 2025 !